La nature et la ville
L’ouvrage que nous présente Laurent Gueneau ne manquera pas de surprendre. Il y est « question de nature » et sur la page de couverture apparaît un immeuble où la seule nature présente, ce sont les habitants qui l’occupent ; un de ces immeubles vieillissant, précocement fatigué, mais dont une parabole manifeste l’appartenance au fameux village planétaire dont parlait Mac Luhan.
En parcourant ce livre, une question s’est imposée avec force : comment faire beau avec du laid ? C’est pourtant ce que parvient à réussir l’auteur dont la patte révèle à mes yeux un extraordinaire talent de photographe. Oui, ce livre est beau.
Dans sa première partie il découvre l’Europe, car Moscou est en Europe. La nature s’y fait étonnement discrète. On la voit cependant s’immiscer, non sans vigueur et continuité, entre le gigantesque amphithéâtre du stade de Varsovie et le Sky Line de la cité. Tout est minéral, tout est œuvre de l’homme ; mais la nature, quoique bâillonnée résiste. Lorsqu’il s’agit « d’œuvre de l’homme » comment ne pas y voir aussi la nature à l’œuvre ? Car l’homme, qui l’a oubliée, est un être de nature. Pourtant les harmonies entre notre nature humaine et ce que nous appelons la nature ne sont pas toujours évidentes, parce que nous pensons orgueilleusement « la mesure de toute chose » et que nous dressons dans nos villes ces temples orgueilleux de fer et de béton. Il ne reste plus à la nature résiduelle qu’à s’accommoder de nos outrances et s’insinuer ici ou là. À moins que farouchement elle ne résiste, allant jusqu’à devenir envahissante. C’est ce qui se dessine dans la deuxième partie de l’ouvrage à travers un voyage en Chine.
Cet ouvrage est un cri, un appel à contracter une nouvelle alliance entre l’homme des villes et le monde végétal qui en est la respiration naturelle. Une nouvelle alliance aussi entre la nature humaine et la nature tout court sachant que plus celle-là méprise celle-ci, plus s’approfondit le déséquilibre et le mal être, cette maladie si caractéristique de ces fameuses banlieues dessinées au cordeau et que parfois l’urbaniste en chef a carrément dessiné d’un hélicoptère en vol stationnaire.
Gageons que l’appel de Laurent soit entendu. Ce livre aura alors atteint son objectif, non point que l’auteur se soit fixé d’abord un objectif pédagogique. Il a bien davantage travaillé selon sa propre nature faite de sensibilité, d’émotion et d’intuition. Tout cela, il nous le fait partager et nous le ressentons à notre tour. Souhaitons donc à cette « Question de nature » qu’elle trouve une réponse sous forme d’un heureux mariage entre la sensibilité humaine et la beauté du monde.
Jean-Marie Pelt
Laurent Gueneau,
Né à Tonnerre en 1964, vit et travaille à Paris.
Il s’est fait connaître en publiant « 26.12.1999 »,
un ouvrage sur le paysage après la tempête.
En 1994, à l’issue de plusieurs séjours au Vietnam, Laurent Gueneau adopte la prise
de vue en grand format et choisit la couleur.
Il entame alors un travail lent et silencieux
dans différentes villes d’Europe
de l’Est. En 2005, il obtient une résidence
à Guangzhou en Chine où il entame
un travail en relation avec la nature.
Jean-Marie Pelt, pharmacien, botaniste, professeur des universités, chroniqueur scientifique à France Inter, a été Président de l’Institut Européen d’écologie et Professeur émérite de l’Université de Metz.
Il est décédé en 2015.
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Auteur.e(s) des textes | |
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Éditions | Édition courante, Édition prestige |
Caractéristiques du livre | Ouvrage relié cartonné |